[The following text is taken from La Plume : revue littéraire et artistique bi-mensuelle, No. 338, 15 May 1903, 
pp.578-582. 
This text is mentioned in Bhogal, Gurminder Kaur, Details of Consequence: Ornament, Music, and Art in Paris, OUP, 2013, 
p.111. 
  S. U.
]
Dialogues esthétiques (1) 
UN QUATUOR IMPRESSIONNISTE
Pour Armand Parent.     
  — Un quatuor impressioniste ? 
  — Mais oui ! Pourquoi pas ? 
  — D'abord, de quoi ou de qui parlez-vous ? Est-ce d'une œuvre ou 
d'un groupe d'exécutatnts ? Car le français n'est pas toujours clair, 
alors même qu'il reccourt aux termes étranges... Un quatuor?... 
  — Je vous parle, ô pariste, de l'Op. 10 de l'auteur de Pelléas et 
Mélisande, exécuté le vendredi soir, 6 février 1903, par le Quatuor 
Parent : et maintenant que j'ai mis le point sur les i, votre hésitation 
serait impardonnable... 
  — En effet ! Malgré sa fougue juvénile et toute moderne, le Quatuor 
Parent ne sera pas inscrit dans l'histoire, au chapitre, encore 
déconcertant, de l'Impressionnisme : la décision de son jeu parait 
tout classique. Et je prends ce mot français en bonne part. 
  — Le Quatuor Parent est nourri des maîtres : et, cette année encore, 
il aura bien mérité de l'Art. César Franck et Schumann, les prmières 
soirées nous répondent des vendredis futurs : de Bach à 
M. Vreuls en passant par Beethoven, un édifiant raccourci de la 
musique de chambre et de son instructive évolution ! Et, pour 
bientôt, on nous promet une séance Brahms... Brahms, ce dernier 
classique, ce B... no 3, au dire des Allemands anti-wagnériens 
(1) Cf. la Plume du 13  novembre 1902 [should be 15 Nov. and here the author must be reffering Dialogues esthétiques, pp.1322ff.].
(il y en a) ; Brahms si supérieur, dans tous les cas, en sa musique de 
chambre ! Si j'en crois un article récent et savant de la Revue Bleue, 
qui célèbre « l'avènement d'une renomée musicale », il nous reste 
encore à le découvrir. 
  — Et cela, malgré les amis du pittoresque, qui conseillent plutôt de 
le « recouvrir » ! Toujours est-il que ses quatre austères Symphonies 
pàlissent à côté de ses deux admirable Sextours à cordes, vrais 
« cartons de symphonies, » à la pàte généreuse, à la ligne grandiose, 
aux allures orchestrales. Le second surtout ! 
  — Eh bien ! j'ai entendu, le 20 février 1903, le premier sextour, 
en si bémol. Et cela, sans préjudice de la soirée Brahms que 
nous réserve la petite société, non pas concurrent, mais parallèle, 
qui s'intitule spirituellement, cette année, Chanterelle et Chanterie :  
la chanterelle, c'est encore Armand Parent ; la chanterie, c'est Madame 
Mockel ; c'est l'artiste intelligente et son groupe vocal, c'est- 
à-dire le goût qui préfere à virtuosité la musique. Mozart ou Beethoven, 
Schubert ou Brahms, la sinfonia sympathise avec la quatour 
des voix érudites pour réveiller les âmes qui chantent, depuis 
les vénérables aniciens jusqu'aux modernes les plus troublants. 
  — Qu'entendez-vous par troublants ? 
  — Inquiétants ou séduisants, selon les points de vue, qui « changeaient 
à chaque instant », déjà, du temps d'Eugène Delacroix, et 
dont l'allure s'est encore accélérée... 
  — Précaution très oratoire qui veut dire qu'on a fêté royalement 
votre quatuor impressionniste ? 
  — Et pourquoi pas ? Et n'était-ce point la revanche du Rêve, ce 
triomphal succès de l'Op. 10 d'un rêveur en cette vulgaire salle de 
l'Œolian, trop blanche avec trop d'électricité, très américaine en ce 
quartier positif, à deux pas du Café de Paris, encadrée par les palissades 
vertes du Métro prochain... Avouez qu'un peu d'impressionnisme 
n'est point déplacé dans ce décor, et pour le faire oublier !
Telle, au dehors, la lune brille : un clair de lune bleu qui purifie 
tout ! Le clair de lune moqueur est aussi de l'impressionnisme : 
encore ai-je employé ce mot, faute de mieux, et pour ne pas dire 
poésie, qui a tant servi ! Parent, qui n'est point seulement un impérieux 
streichquartettdirector (pour forger ce mot bien parisien), 
mais qui joint à sa maestria d'archet l'art de composer un programme, 
avait nuancé sa troisième séance avec deux quatuors ; Debussy, 
Glazonnow [sic]. Un Français, un Russe : tous les deux ultramodernes, 
mais si différemment ! Et quelle suggestive antithèse !
Il faudrait un Victor Hugo nouveau, plus subtil que le vrai, pour la 
définir ! Glazounow, le Slave au chant lointain, qui pétrit sa fantaisie 
presque orientale dans la belle pâte maintenue du quatuor classique ; 
l'exotique aux rhythmes indociles et saccadés, qui met dans l'œuvre 
traditionnelle le goût du terroir et l'odeur de la patrie. Parfois, il 
évoque Schubert sentimental, par cette prédilection pur l'accent populaire
égrené dans le cliquetis des pizzicati ; mais Glazounow et son 
Quatuor slave, c'est la Russie même qui chante et qui songe, qui 
promène sa sauvage pensée dans le steppe où s'écroula le Mazeppa 
sanglant de Franz Liszt (que Weingartner vient de mimer en perfection 
vibrante au Nouveau-Théâtre), qui s'égare, loin des humains, 
dans la forêt bruissante ou qui se mêle aux rudes joies de la foule : 
alors, c'est la folie du rythme, alla mazurka, nerveusement, avec le 
ronron des cordes à vide, après les douces lenteurs de l'interludium ; 
c'est, pour finale, une fête slave, une vraie fête, avec toutes les 
licences variées du genre descriptif et dansant, qui semble envahir 
l'idéle musique de chamber après l'orchestre... 
  — Et Debussy ? 
  — Tout intimité, tout rêve. La vie intérieure du songe. Le dédain 
d'un solitaire sans foi ni loi pour toute la réalité qui l'effleure sans 
l'asservir... 
  — Un peu migraineux, toujours ? 
  — Si vous voulez faire un mot ! Mais je vous préviens que votre 
ironie voudrait y regarder à deux fois avant de se mesurer avec la 
sienne, si vous l'aviez entendu ! Je vous ai déjà fait pressentir qu'il y 
a deux sortes d'impressionnismes : l'un ivre de soleil et de vie, sanguin, 
très méridioinal ; l'autre amoureux de silence et de septentrion, 
nocturne de Poë traduit par Whistler, « où la Ligeia rencontre 
Nathanael ... » Ultima Thule... La nuit qui murmure... Et si 
Glazounow est comme le Gustave Charpentier du Quatuor slave, 
l'auteur de cet Op. 10 n'est pas un impressioniste éperdu d'amour 
pour la couleur vive. Il est lointain lui-même, mais pas du tout 
comme le Russe. Il est aussi concentré que l'autre est expansif. Il me 
chantait, vendredi soir, cette strophe mystique de Léon Dierx, le 
maître poète du Recueillement et de s Lèvres closes : 
Et sous le réseau des parfums flottants, 
Dans l'oubli des Dieux, du monde et du temps, 
Morte au vain souci du désir frivole, 
En libres essaims de songes épars. 
Son âme à travers les taillis s'envole... 
  Il s'agit d'une hamadryade, il s'agit d'une âme, d'une rêverie qui
s'évade de la divine et mortelle prison d'un beau corps : et n'est-ce 
pas un peu l'image involontaire de la Musique même, de la Muse 
aux yuex close qui respire le parfum sans copier la rose ? 
  — La subtilité me paraît contagieuse ; et tout cela peut étre délicieux... 
en musique ! Mais cette ravissante incohérence est-elle compatible 
avec la musique de chambre ? Est-ce encore là du quatuor ? 
  — Vous ne me poseriez point cette question, du moins vous voudriez 
me la poser autrement, si vous aviez entendu l'Op. 10 ; assurément, 
la tonalité fuyante, l'éternelle fuite du contour, la complication 
chromatique ou la succession des parties pas toujours assez concertantes 
ont dérouté plus d'un classique ; mais ces reproches d'école 
n'ont-ils pas atteint tout d'abord le précursuer de toute la rénovation 
musicale, le suave mystique César Franck, le Wagnérien plein de 
rêves que les sage défenseurs de Brahms appllent « un grand rhétoricien 
romantique » ? 
  — Alors, selon vous, Debussy lui-même sort de Franck ? 
  — Evidemment ! N'est-on pas toujours fils de quelqu'un ?... Ce 
qui ne l'empêche nullemnt de posséder son âme à lui, sa manière à 
lui. Charpentier, de même, est issu de Massnet : et qui méconnaît 
l'origine en écoutant Louise ? Mais vos perpétuelles interruptions ne 
m'ont encore permis de vous répondre en esquissant l'impression que
laisse à mon souvenir flatté ce quatuor impressionniste : dès l'exorde 
animé, sans effusion lyrique à la Franck, on se devine en présence 
d'un songe personnel. Original, le début du second temps, avec son 
pizzicato qui s'éteint, comme une fusée de Whistler dans le nocturne 
pâli des sons harmoniques ! Du violon pur s'exhale une voix cristalline, 
alors que le violoncelle esquisse des arabesques à Balakirew : 
car, dans cette musique nons wagnérienne, il y a quelque dose inifinitésimale 
d'archaïsme ou d'exotisme (ce qui est tout un). Tout à fait 
exquis, le troisième temps con sordini nonchalance exquise d'un Verlaine 
invisible et présent, dès que l'alto soupire dans un souffle d'été... 
Ce sont choses crépusculaires : 
Des visions de fin de nuit... 
  Gràce fluide, un peu décadent, si vous tenez encore à ce mot, mais 
réelle dans son vague, et si mélodique ! Oui, mélodique ! Et toute 
cette fluidité qui module aboutit à la belle tenue consonnante comme 
un rayon qu'on attend ! Car cette musique difficile est claire ; on la 
comprend aussitôt. Elle vous suit, plutôt qu'on ne la suit. Bref, elle 
dégage une si fine senteur, « une telle poèsie », lâchons le grand 
mot, avec un critique toujors maître de soi, Gustave Robert, qui, 
d'abourd, avait cru remarquer dans le Prélude à l'Après-midi d'un 
Faune, perle du genre, « un parti pris quelque peu fatigant d'originalité »... 
Dans le finale, plus tourmenté, du quatuor, des arabesques, 
des murmures toujours, intervalles inouïs, enchevêtrements d'accords, 
nuages qui passent, transitions inattendues, rythmes rauques, 
aspects toujours moins développés que nuancés, où le motif se noie 
mais circule... On pressent le novateur futur de Pellèas. 
  — Comment, futur ? 
  — Oui, la première audition de ce quatuor aussi hardi qu'applaudi 
remonte au 9 janvier 1897. Et sa vogue d'aujourd'hui prouve non 
seulement l'ardeur du Quatuor Parent, mais une évolution que je 
tâcherai bientôt de vous définir. 
RAYMOND BOUYER.    
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