The cause of Jacqueline Girard, widow of Honoré Chamois, Marie-Claude Chamois, wife of Sr. Frigon, and the said Sr. Frigon, 1693. (In French.)

About the text

The following text is taken from Aguesseau, Henri François d', Pardessus, — (ed.), Œuvres complètes, new ed., tome 2, Paris: Fantin, H. Nicolle, De Pelafol, 1819, pp.314-p.334. (Google Books.) I refered Another copy of 1819 ed. and Aguesseau, Henri François d', Œuvres, tome 2, Paris: Libraires associés, 1761 (both Google Books) just for checking purpose. I corrected typographical errors due to the OCR system misrecognition, but there may still exist such errors. Please consult printed version for academic purpose.
I copied the text here just out of my curiosity only. The incident happened to have happened to a herald's family, no more than as a coincidence and the herald must have never dreamt of that his name survives till the 21st century in this manner. I do not think this text contributes anything to the heraldry or history of heralds, yet I still find this interesting to know something about a herald's family.
Honoré Chamois' heraldic title seems to have been Poitou which is mentioned in Officers of arms who attended the ceremony for the anniversary of King Louis XIII at the Church of St. Denys, c. 14 May. 1644. Mentioned also in the indumbents list for 1644 and 1647 in Parry 2005, p.163, Annexe no.3 (spelt Honoré Charmois). More ambiguously mentioned in Godefroy, Théodore, Le cérémonial François, Paris: Sebastien Cramoisy et Gabriel Cramoisy, tome 2, 1649, PROCEZ VERBAL DE TOVT CE QVI s'est paßé en l'Acte du Serment fait par Louys XIV. Roy de France & de Nauarre, & Anne Reyne Regente sa mere, pour l'entretenement du Traité de Confederation auec Charles Roy de la Grande Bretagne ; & portant confirmation & ratification de tous les autres Traitez precedens, faits par les defunts Roys ses predecesseurs auec ceux d'Angleterre. En l'Eglise S. Pierre de Ruel, le 3. Iuillet 1644, pp.925ff., p.929. (Google Books.) There is a mention that he was still in office 16 Feb. 1649 [Records related to French officers of arms extacted from the inventory of notary records of Paris, 05301H01].

The text

VINGT-DEUXIÈME PLAIDOYER.
DU 21 AVRIL 1693.

Dans la cause de JACQUELINE GIRARD, veuve D'HONORÉ CHAMOIS, MARIE-CLAUDE CHAMOIS, femme du sieur FRIGON, et ledit sieur FRIGON.

  Il s'agissoit de l'état d'une fille sortie, à l'âge de treize ans, de la maison de sa mère, qui avoit passé en Amérique, s'y étoit mariée, y avoit demeuré seize ans, étoit revenue en France après la mort de son père et de ses frères, et que sa mère ne vouloit pas reconnoître.

QUOIQUE cette cause vous ait été expliquée avec tous les ornemens et toutes les couleurs qui peuvent la rendre vraisemblable, nous croyons néanmoins pouvoir dire d'abord que, lorsqu'on examine la variété des circonstances, la nouveauté des incidens que le caprice de la fortune ou l'artifice de la supposition y a fait entrer, si l'on sait si l'on doit la considérer comme l'ouvrage ingénieux d'une fiction agréable, ou comme le récit sincère d'une véritable histoire.
  Une fille obligée, dès l'âge de treize ans, à chercher, dans les hôpitaux, une sûreté qu'elle n'a pu trouver dans la maison de sa mère ; réduite à la triste nécessité de se charger de la honte et des apparences du crime, pour y éviter de le commettre, contrainte enfin à fuir, dans un autre monde, les malheurs qui la menaçoient en celui-ci, paroît aujourd'hui dans votre audience, après une absence de seize années, et elle implore le secoues de la justice, pour réparer, par l'autorité de vos jugemens, l'injure quelle prétend que la fortune a faite à la vérité de sa naissance.
  Le nombre et l'enchaînement des faits qu'elle articule, la force de ses titres, l'autorité des témoins qu'elle a fait entendre, semblent décider la cause en sa faveur, et lui assurer la qualité et les droits de fille légitime.
  D'un autre côté, le peu de vraisemblance que ces faits paroissent avoir, les contrariétés apparentes qu'on prétend trouver dans les principales circonstances, les soupçons qu'on a voulu répandre contre les témoins, et encore plus la voix de la mère, le désaveu formel qu'elle fait de sa fille, cette espèce de jugement naturel et domestique qu'elle a prononcé contre elle, rendent la cause douteuse et la décision difficile.
  Pour découvrir, au travers de tant de ténèbres, la lumière de la vérité, nous nous attacherons en cette cause beaucoup plus à l'explication des faits, qu'à l'examen des questions que l'on pourroit y faire entrer ; et, dans cette vue, nous croyons devoir distinguer d'abord deux sortes de faits qui servent de sujet à cette contestation : les uns sont constans, et leur vérité est attestée par toutes les parties ; les autres, au contraire, paroissent douteux, et c'est dans la preuve de ces faits que doit consister la décision de cette cause.
  Nous expliquerons d'abord les premiers, et nous entrerons ensuite dans l'examen et dans la discussion des autres.
  L'état de la famille d'Honoré Chamois et de Jacqueline Girard, que l'intimée appelle ses père et mère, est un de ces premiers faits importans pour la décision de cette cause, et dont la vérité est reconnue par l'une et l'autre partie.
  Quatre enfans sont issus de leur mariage : deux garçons et deux filles.
  L'aîné de ces deux fils s'appeloit Henri Chamois, le second Philippe-Michel ; ils sont décédés l'un et l'autre depuis plusieurs années.
  Sa fille aînée, appelée Marie Chamois, épousa Pierre Mareuil, et est morte sans avoir laissé d'enfans.
  Marie-Claude Chamois fut la dernière de leurs enfans ; elle vint au monde en l'année 1656, et si elle vit encore aujourd'hui en la personne de l'intimée, elle sera l'unique héritière d'Honoré Chamois, son père.
  A l'égard de la fortune d'Honoré Chamois, il paroît qu'il la devoit toute entière à la protection de M. le comte d'Harcourt, dont il avoit été secrétaire ; il est mort en l'année 1660, revêtu d'une charge de secrétaire du roi.
  Marie-Claude Chamois, mise d'abord en nourrice chez la nommée Bouthillier, menuisier à Paris, fut ensuite élevée chez sa mère ; elle la suivit dans une maison qu'elle loua dans le faubourg Saint-Antoine.
  C'est dans cette maison que l'intimée prétend avoir vu commencer les malheurs qui l'ont accablée dans la suite de sa vie.
  Il est constant, et ce fait est le dernier de ceux dont toutes les parties conviennent, que soit par la négligence de ceux auxquels Jacqueline Girard avoit confié sa fille pendant son absence, soit pour se dérober aux emportemens de son frère, soit enfin pour éviter les mauvais traitemens que sa mère lui faisoit souffrir, Marie-Claude Chamois cessa de paroître dans la maison maternelle, dans sa famille, dans le public même.
  Si l'on croit le témoignage de Jacqueline Girard, elle prétend que cette perte n'a jamais été réparée ; que le ciel ne lui a point encore rendu sa fille, qu'il lui a même refusé la consolation d'apprendre de ses nouvelles ; et le long temps qui s'est écoulé depuis qu'elle a disparu, ne lui permet pas de douter qu'elle n'ait fini sa vie par une mort malheureuse.   Si l'on s'arrête, au contraire, aux faits qui sont proposés par l'intimée, sa mère n'a pas été longtemps dans cet état d'ignorance et d'incertitude ; elle a été parfaitement instruite de son départ, du voyage, et du séjour qu'elle a fait en Amérique.
  Mais, avant que d'entrer dans le détail de ces circonstances, il est nécessaire de s'arrêter ici à l'explication d'un fait qui ne peut être révoqué en doute : il est écrit dans les registres de l'hôpital, et les parties en reconnoissent également la vérité.
  Dans le même temps que la véritable Marie-Claude Chamois disparoît, dans le temps que sa mère regrette sa perte, une fille du même âge, c'est-à-dire, de l'âge de treize ans, est amenée à l'hôpital de la Pitié, sous le nom de Marie-Victoire.
  Celle qui l'a conduite en cette maison, est nommée sur le registre, Gabrielle Emeri ; il est dit qu'elle lui avoit été recommandée par le sieur Perceval, vicaire de Saint-Paul.
  Trois jours après, on la fait entrer dans l'hôpital de la Salpétrière. On lit aujourd'hui dans le registre de l'entrée des pauvres en cette maison : Marie-Victoire, âgée de quatorze ans, qui ne connoît ni père ni mère, sera observée.
  Ces paroles ont fait une des plus grandes difficultés de cette cause.
  Toutes les parties conviennent que Marie-Victoire, conduite à l'hôpital-général, en 1669, est la même personne que celle qui paroît aujourd'hui à votre audience sous le nom, véritable ou emprunté, de Marie-Claude Chamois ; mais, ce qui est encore douteux, et que vous déciderez, par l'arrêt que vous allez prononcer, c'est de savoir si Marie-Victoire étoit la fille d'Honoré Chamois et de Jacqueline Girard, obligée à cacher son nom pour ne pas déshonorer sa famille, et exposer sa personne aux mêmes dangers qui la contraignoient à se retirer dans un hôpital ; ou si, au contraire, Marie-Victoire étoit une fille inconnue, sans parens, sans biens, qui devoit sa naissance au hasard d'une conjonction illicite, et que la charité d'un ecclésiastique faisoit enfermer dans un hôpital, comme dans un asile contre les tentations de la jeunesse et de la pauvreté.
  Sa prétendue mère ne l'a point réclamée dans cet hôpital pendant l'espace d'une année qu'elle a passé dans la maison de la Salpétrière. Oubliée de ceux qu'elle appelle ses parens, et les oubliant elle-même, elle a perdu, dans cette demeure, tous les sentimens naturels qui attachent les hommes au lieu de leur naissance ; et, ayant été choisie pour être du nombre de celles qui devoient aller en Amérique, elle a mieux aimé renoncer à sa patrie, entreprendre un voyage périlleux, et passer dans un nouveau monde, que d'implorer le secours de celle qu'elle reconnoît aujourd'hui pour sa mère.
  En l'année 1670, la même personne qui, dans l'hôpital, avoit toujours porté le nom de Marie-Victoire, qui pendant son séjour en cette maison avoit toujours ignoré sa naissance, sa condition, ses parens, qui ne connoissoit pas même son père et sa mère, change d'état en arrivant en Amérique ; elle quitte le nom de Marie-Victoire pour prendre celui de Marie Chamois. Le voile, qui lui cachoit sa naissance, se rompt ; elle connoit son père et sa mère ; elle donne à l'un le nom d'Henri Chamois, à l'autre celui de Jacqueline Girard ; et, dans un pays qui, par son éloignement, pouvoit être justement appelé une terre d'oubli, elle se souvient de toutes les circonstances de sa vie, qu'elle avoit ou ignorées ou dissimulées dans sa patrie.
  Ce n'est point dans des actes de peu d'importance, que l'intimée prend possession de ce nouvel état.
  C'est en se mariant avec le nommé Frigon ; c'est-à-dire, dans le plus solennel de tous les contrats, et le plus honorable de tous les engagemens de la société civile.
  II est vrai qu'il se trouve quelque différence entre les véritables noms, et ceux que l'intimée a fait insérer dans le contrat de mariage.
  Son prétendu père y est appelé Henry, quoique son véritable nom fût celui d'Honoré.
  Au lieu de nommer sa mère Jacqueline Girard, elle l'appelle Giraut. Nous examinerons, dans la suite, si c'est à l'erreur du notaire ou à l'ignorance de l'intimée que cette faute doit être imputée.
  Il est toujours certain que cette dernière différence ne se trouve que dans le contrat de mariage, et que dans l'acte de célébration, le nom de Jacqueline Girard a été fidèlement inséré.
  Depuis l'année 1670, la prétendue Marie-Claude Chamois a demeuré dans le silence. Nous ne voyons, du moins, aucun acte qui l'ait interrompu ; elle prétend qu'elle a écrit plusieurs fois à sa mère, qu'elle a reçu plusieurs lettres, mais elle n'en rapporte aucune ; et ce fait est un de ceux que nous examinerons incontinent dans le détail des preuves de l'état de l'intimée.
  Enfin, après une absence de seize années, elle quitle l'Amérique, elle revient en France, elle paroît dans sa famille ; quelques personnes la reconnoissent, sa mère la désavoue.
  Elle la fait assigner au châtelet pour être condamnée à lui rendre un compte de communauté et de tutelle. La demande est renvoyée aux requêtes du palais ; les parties y procèdent volontairement.
  La prétendue fille y rapporte son extrait baptistaire, son contrat de mariage, une lettre qu'elle prétendoit être écrite de la main de sa mère, et qu'elle a été obligée ensuite d'abandonner.
  La mère conteste l'autorité de ces actes. Le refus de son suffrage rend la cause douteuse. L'intimée demande à faire preuve de plusieurs faits importans : elle soutient qu'elle a été baptisée à Saint-Gervais, sous le nom de Marie-Claude Chamois, nourrie par la femme du nommé Bouthillier, élevée chez sa mère jusqu'à l'âge de dix, onze à douze ans, obligée d'en sortir, pour éviter les fureurs de son propre frère, qui ne respectoit plus en elle les droits sacrés de la nature, de la religion et de la loi ; qu'elle a été conduite par la nommée du Rivault chez le sieur le Retz, sous-vicaire de Saint-Paul, et amenée enfin, par ses soins, d'abord à l'hôpital de la Pitié, et ensuite transférée à celui de la Salpétrière. Elle explique, dans la même requête, son départ pour le Canada, les circonstances de son voyage, son arrivée, son séjour, son mariage en Amérique, les lettres que sa mère lui a écrites, enfin son retour en France, la reconnoissance d'une partie de sa famille, le désaveu injuste de sa mère.
  En cet état, Frigon, mari de l'intimée, intervient dans l'instance comme tuteur de ses enfans.
  C'est dans toutes ces circonstances, et avec toutes ces parties, que la première sentence, dont l'appel est porté en ce tribunal, a été prononcée.
  Elle appointe les parties en droit au principal, sur la provision à mettre, et cependant la preuve permise.
  L'enquête a été faite et les témoins entendus, avant que l'intimée eût fait signifier un arrêt de défenses qu'elle a obtenu.
  On a formé opposition à cet arrêt pendant le cours de la procédure.
  Seconde sentence, qui adjuge quatre cents livres à l'intimée.
  Second appel, en adhérant.
  Arrêt contradictoire qui reçoit la partie de M.e Thevart appelante, et la déboute du surplus de ses requêtes, c'est-à-dire, lève les défenses ; requête à fin d'évocation du principal.
  Voilà, MESSIEURS, quel est l'état de cette cause, singulière dans ses faits, longue dans le récit de ses circonstances, et importante dans sa décision, puisqu'il s'agit d'assurer la condition d'une personne qui, depuis plus de vingt années, incertaine de sa destinée, a cherché inutilement dans l'un et dans l'autre monde, un état fixe et tranquille, un repos solide et durable qu'elle ne peut désormais espérer que de votre jugement (1).

  Voilà, MESSIEURS, quels sont les principaux moyens des parties. Telles sont les raisons de l'appelante pour convaincre l'intimée d'imposture, et celles de l'intimée pour établir la vérité de son origine, et confondre la dureté de sa mère.
  La première difficulté que nous croyons devoir examiner dans cette cause, c'est l'autorité du désaveu de la mère.
  Nous n'avons garde de croire que l'on doive considérer sa voix comme absolument décisive. Nous savons que son témoignage, qui ne devroit jamais avoir pour principe que la nature et la vérité, peut devenir suspect par les différentes passions qui agitent le cœur des hommes. Nous n'ignorons pas la disposition du droit qui rejette ces déclarations injustes, par lesquelles une mère irritée ou aveuglée par son avarice, s'efforce de donner atteinte à l'état de ses enfans.
  Mais, en même temps que nous sommes convaincus de l'équité de ces lois, nous ne pouvons nous empêcher de reconnoître que tant que la conduite de la mère ne fait concevoir aucun soupçon contre elle, la présomption doit toujours être en sa faveur, jusqu'à ce qu'elle soit détruite par des preuves authentiques, ou par des présomptions aussi fortes et aussi légitimes.
  C'est dans cette vue que nous croyons devoir examiner avec plus d'attention que dans aucune autre cause, tous les argumens par lesquels on peut assurer l'état de l'intimée.
  Nous ne nous arrêterons point ici à traiter une première question, toujours agitée dans les causes d'état, et presque toujours uniformément décidée par la disposition de vos arrêts.
(1) Les moyens des parties furent expliqués ensuite, sans qu'ils aient été écrits.   Elle consiste à savoir quelle est la preuve légitime de l'état, de la naissance et de la filiation.
  Personne n'ignore les dispositions des lois romaines, celles de nos ordonnances, et la jurisprudence certaine de vos arrêts sur cette matière.
  La preuve la plus légitime dans les questions d'état, est celle qui se tire des registres publics. Ce principe est une espèce de droit des gens, commun à toutes les nations policées.
  Mais, cette preuve, quelque authentique et quelque légitime qu'elle puisse paroître, n'est pas néanmoins la seule ; et, comme il n'est pas juste que la négligence des parens, la prévarication de ceux qui conservent les registres publics, les malheurs et l'injure des temps, puissent réduire un homme à l'impossibilité de prouver son état, il est de l'équité de la loi d'accorder, en tous ces cas, une autre preuve qui puisse suppléer le défaut et réparer la perte des registres ; et cette preuve ne peut être que celle qui se tire des autres titres et de la déposition des témoins.
  Tels sont, en peu de mots, les principes que le consentement unanime des lois et des ordonnances a établis sur cette matière.
  La première preuve résulte des registres publics des baptêmes et des mariages ; la seconde, des titres ; et la troisième, des témoins.
  Examinons maintenant, dans le fait, si l'intimée peut alléguer ces trois preuves en sa faveur, et si elles concourent également à lui faire donner la qualité de fille légitime.
  Nous commencerons cet examen par la discussion des preuves littérales.
  L'état de la partie de M.e Joly de Fleury paroît établi sur trois actes authentiques, sur les titres les plus solennels qu'on puisse alléguer dans de pareilles contestations.
  Un extrait baptistaire, un contrat de mariage, et l'acte de célébration. Enfin, un transport fait en l'année 1685, par lequel on prétend que la mère a trahi ses propres sentimens, et assuré l'état de celle qu'elle désavoue aujourd'hui.
  Il semble d'abord que le seul nom d'extrait baptistaire suffise pour décider cette contestation, et que, sans examiner le détail des autres argumens de l'intimée, on doive s'arrêter à la preuve de toutes la plus authentique, la plus légitime et la plus décisive.
  Qui sera désormais en sûreté, vous a-t-on dit pour l'intimée ? Quelle sera la personne dont l'état ne puisse être attaqué, si, contre la foi d'un extrait baptistaire, il est permis encore de révoquer en doute la vérité de la naissance, et d'attaquer par là nonseulement l'autorité d'un acte conservé dans des registres publics, mais encore la sage disposition de l'ordonnance, qui se contente de cette preuve ?
  Quelque fortes que paroissent ces réflexions, si l'intimée étoit réduite à cette unique preuve, nous aurions peine à croire qu'elle fût suffisante pour décider seule cette contestation.
  Il peut être certain qu'il y a eu une Marie-Claude Chamois baptisée sous ce nom dans l'église de Saint-Gervais, fille d'Honoré Chamois et de Jacqueline Girard, sans qu'il soit assuré que celle qui paroît aujourd'hui sous ce nom, soit la même que celle qui l'a reçu autrefois, et la malice d'un imposteur pourroit être assez grande pour prendre l'extrait baptistaire aussi bien que le nom d'une personne absente.
  Ainsi, un extrait baptistaire est, à la vérité, la plus sûre et la plus infaillible de toutes les preuves ; mais elle peut être éludée, si elle n'est soutenue par la longueur de la possession, par la connoissance que le public a de l'état, du nom, de la qualité d'une personne.
  Nous sommes néanmoins obligés de reconnoître que, quoique cette preuve ne soit pas précisément par elle-même absolument décisive, elle forme toujours une présomption violente en faveur de celui qui la produit ; et tant que l'on ne pourra point représenter celui qui auroit droit de se servir de cet extrait baptistaire, tant qu'on ne peut montrer son extrait mortuaire, et, en un mot, tant qu'on ne peut justifier ni sa vie, ni sa mort, bien loin de pouvoir accuser d'imposture celui qui se sert d'un pareil acte, il semble au contraire qu'il doit être écouté favorablement jusqu'à ce qu'on l'ait convaincu de fausseté et de supposition, en représentant celui dont il emprunte le nom.
  Cette réflexion peut être appliquée naturellement à l'espèce de cette cause. Supposons, pour un moment, que l'intimée ne rapporte aucune preuve de la possession dans laquelle elle prétend être de son état, ne pouvons-nous pas dire que la seule représentation de son extrait baptistaire seroit une présomption assez forte pour lui faire obtenir la preuve par témoins, et que la véritable Marie-Claude Chamois ne paroissant point, que sa mort n'étant point prouvée, elle auroit au moins un titre coloré, un droit apparent qui rendroit sa prétention favorable ?
  En effet, pourroit-on se persuader qu'un imposteur pût avoir assez de connoissance de l'état d'une famille, pour savoir qu'une personne absente ne sera point en état de se représenter pendant le cours de la procédure ? Quelle assurance peut-il avoir d'un fait aussi incertain ; et s'il n'en peut avoir aucune, croira-t-on qu'il ait assez de témérité pour vouloir s'exposer au péril d'être convaincu par une preuve si évidente de fausseté, de supposition et de calomnie ?
  Ainsi, pour renfermer en peu de mots toutes les réflexions que nous croyons pouvoir faire sur ce premier acte, nous ne doutons pas que, quoiqu'il ne soit pas une preuve absolument concluante, si l'on y opposoit des preuves d'imposture et de supposition de personne, il doit au moins être considéré comme une présomption très-forte, capable de faire admettre la preuve testimoniale, et qui devient même tout à fait décisive, si elle se trouve jointe à la possession ; et c'est ce que nous avons à examiner par rapport à la seconde preuve littérale que l'intimée allègue en sa faveur.
  Cette preuve est tirée de son contrat de mariage, par lequel elle prétend avoir pris, dès l'année 1670, la qualité de fille légitime de Chamois, et de Jacqueline Girard sa femme.
  Il y a deux choses à distinguer dans cet acte, le fait et l'induction qui en résulte.
  L'on a soutenu que l'intimée s'étoit trompée dans le nom de baptême de celui qu'elle appelle son père, et dans le nom propre de sa prétendue mère. Henri, au lieu d'Honoré ; Giraud, au lieu de Girard ; et de ce changement on veut tirer une conviction entière de l'ignorance dans laquelle étoit alors l'intimée, de ceux qu'elle veut faire passer aujourd'hui pour ses parens, et de l'imposture par laquelle elle veut entrer dans une famille étrangère.
  Celle de ces objections qui a le plus d'apparence, est détruite par un acte aussi authentique que le contrat de mariage, par l'acte de célébration qui le suit immédiatement, et dans lequel le véritable nom de Jacqueline Girard est énoncé : et si cette faute s'est glissée dans le contrat de mariage, c'est une erreur qu'il est plus juste d'imputer au notaire qu'à l'intimée.
  La différence du nom de baptême du père, nous paroît un argument trop léger pour nous arrêter plus long-temps à le réfuter. Est-il surprenant qu'une fille, qui n'avoit que quatre ans, tout au plus, quand son père est mort, qui est sortie de la maison paternelle à treize ans, et du royaume à quatorze, pour passer en Amérique, ait ignoré ou même oublié le nom de baptême de son père, qu'elle l'ait appelé Henri, au lieu de lui donner le nom d'Honoré ; et une simple erreur de cette qualité pourra-t-elle suffire à l'appelante pour accuser d'imposture une fille absente pendant long-temps, séparée de sa famille dès sa plus tendre jeunesse, et peu instruite de plusieurs circonstances beaucoup plus importantes que le nom de baptême de son père ?
  Nous ne nous arrêtons point ici à réfuter une objection qui regarde encore le même contrat. Omission du nom de Claude ; mais la mère elle-même l'a oublié dans un transport de l'année 1685.
  Après avoir assuré la vérité du fait, voyons quelle est la preuve que l'on peut en tirer, pour assurer l'état de l'intimée.
  Tous les motifs qui ont pu la déterminer à se dire fille d'Honoré Chamois et de Jacqueline Girard, se réduisent à trois principaux.
  Ou le hasard a eu plus de part à cette résolution, qu'un dessein prémédité ; ou, au contraire, ce nom qu'elle a pris n'a point été l'effet d'un choix aveugle et du caprice de la fortune, mais elle l'a pris avec réflexion ; et, dans ce cas, elle ne peut avoir eu que deux vues différentes, ou de jeter dès-lors les fondemens de cet ouvrage de fraude et d'imposture qu'on prétend qu'elle a voulu élever dans la suite, ou de se conserver dans une famille et dans un état où la Providence l'avoit fait naître.
  Si le hasard ni l'imposture n'ont pu lui suggérer ce dessein, il faudra pour lors convenir que l'on doit regarder la déclaration qu'elle a faite, dès l'âge de quatorze ans, comme la voix de la nature et le témoignage sincère de la vérité.
  Nous ne croyons pas que l'on doive s'arrêter long-temps à examiner la première cause de cet effet, et que personne puisse attribuer au hasard un choix de cette nature.
  Par quelle fatalité l'intimée auroit-elle adopté plutôt le nom de Chamois, nom assez rare et très-inconnu ? Mais, par quel caprice, encore plus bizarre, de la fortune auroit-elle joint ce nom à celui de Jacqueline Girard ? et par quel bonheur auroit-elle également réussi dans le nom du père et dans celui de la mère ? C'est réfuter cette objection que de la proposer, et l'impossibilité morale que cette supposition renferme, justifie suffisamment que le hasard n'a point eu de part dans ce choix.
  Examinons maintenant si la fraude et l'imposture ont fait ce que le hasard et la fortune n'ont pu faire.
  Nous croyons pouvoir dire, à cet égard, que rien n'accuse l'intimée, et que tout, au contraire, la justifie. La jeunesse, l'état de la famille dans laquelle on suppose qu'elle a voulu entrer par artifice, l'éloignement des lieux, l'intervalle du temps qui s'est écoulé depuis le jour qu'elle a pris cette qualité jusqu'au jour de sa demande : il n'y a pas une seule de ces circonstances qui ne fasse voir la droiture et la sincérité de ses intentions, et qui ne dissipe tous les soupçons qu'on a voulu nous faire concevoir contre sa conduite.
  Pourra-t-on se persuader qu'une jeune fille, âgée de quatorze ans, éloignée de son pays, sans amis, sans secours, sans parens, condamnée à un exil perpétuel, bannie non-seulement du royaume, mais de tout le monde que nous habitons, ait eu assez de malice pour vouloir préméditer dès-lors un concert de fraude et d'imposture ? Et si l'on veut qu'elle l'ait prémédité, nous demanderons encore par quel motif secret elle a choisi la famille d'Honoré Chamois pour y exécuter son projet ; comment même le nom de Chamois a pu lui être connu ; comment enfin sa malice a été assez aveugle pour ne pas chercher plutôt à entrer dans une maison illustre, capable ou de flatter son ambition par sa noblesse, ou son avarice par ses biens.
  Mais, par quel excès de témérité a-t-elle pu s'assurer ou que Marie-Claude Chamois, dont elle vouloit usurper la place, seroit morte dans le temps qu'elle exécuteroit son dessein, ou qu'elle voudroit bien ne point paroître, pour lui laisser prendre le nom que la nature ne lui auroit point donné ?
  Dans quel pays forme-t-elle une entreprise si téméraire ? C'est dans l'Amérique, dans un lieu où elle établissoit pour toujours sa fortune, par le mariage qu'elle venoit d'y contracter. Et dans quel temps exécute-t-elle ce dessein, conçu dès l'année 1670 ? Elle diffère pendant quinze années entières ; elle ne revient en France qu'en l'année 1685. Peut on concilier la témérité de l'entreprise, avec la lenteur de l'exécution ?
  Si l'on répond à ces argumens, que l'intimée a pris le nom de Chamois, parce qu'elle l'a entendu nommer, lorsque l'appelante, affligée de la perte de sa fille, et la cherchant en tous lieux, alla a l'hôpital-géneral pour voir si elle ne l'y trouveroit point ; et que, la nommée Marie-Victoire lui ayant été représentée, elle apprit, pour lors, quel étoit son nom, qu'elle a cru ensuite pouvoir le prendre impunément en Amérique, et que la nature ne lui ayant point donné de parens, elle avoit cherché à s'en donner par l'artifice d'une supposition.
  1.o Ce fait n'est point prouvé.
  2.o Quand il seroit vrai que Marie-Victoire auroit été représentée à l'appelante, dans le temps que celle-ci cherchoit sa fille, il seroit difficile de concevoir qu'une mère, dans la douleur de ne point retrouver sa fille, se fût attachée à instruire une inconnue et une étrangère de l'état de ses enfans, du nom et surnom de Chamois, et de son propre nom. Elle prétend qu'aussitôt que la vue de Marie-Victoire lui eut appris qu'elle n'étoit point sa fille, le regret de sa perte se renouvela dans son cœur, et lui fit verser des larmes sur l'état de sa fille. Est-il vraisemblable que, dans cette disposition, elle ait consommé en longs discours un temps qu'elle n'employoit, selon ses propres expressions, qu'à pleurer ses malheurs domestiques ? Dira-t-on que cette simple vue ait assez frappé Marie-Victoire, pour la porter à prendre ce nom dans tout le cours de sa vie ?
  Vous voyez donc, MESSIEURS, que l'on ne peut diminuer, par aucun argument, la force des preuves qui résultent de ce seul acte.
  Si toutes les circonstances qui l'accompagnent sont autant de témoins de l'innocence de l'intimée, si rien ne l'accuse d'imposture, s'il est possible d'admettre la force du hasard dans un fait de cette qualité, que reste-t-il à présent, si ce n'est de reconnoître, dans cet acte, un caractère de vérité plus fort que toutes les dépositions des témoins, et qui, joint avec l'extrait baptistaire, nous paroît faire une preuve invincible de l'état de l'intimée ?
  Elle a pris possession de cet état depuis l'année 1670. Elle l'a toujours conservé jusqu'à présent.
  Cette possession peut paroître d'abord destituée d'un des caractères les plus essentiels à une possession, pour la rendre légitime. Elle n'est pas publique, par rapport à la mère et aux autres parens, qui auroient eu intérêt de l'empêcher.
  Mais, bien loin que la distance des lieux la rende suspecte, nous croyons au contraire qu'elle est, en cela même, une nouvelle preuve de la bonne foi et de la sincérité de l'intimée.
  C'est une possession commencée par une fille de quatorze ans, dans un autre hémisphère, dans un lieu où l'intimée ne pouvoit avoir aucune connoissance de la famille d'Honoré Chamois, et encore moins concevoir le dessein de fraude et de supposition qu'on lui impute ; possession suivie pendant le cours de seize années, sans qu'elle ait jamais pu recueillir, pendant un si long temps, aucun fruit de l'imposture dont on l'accuse ; enfin, possession approuvée en quelque manière par la mère, par la seule partie qu'elle ait aujourd'hui, et qui a reconnu qu'elle étoit vivante en l'année 1685, par un acte dont l'autorité est la dernière et une des principales preuves littérales de l'intimée.
  On vous a expliqué, MESSIEURS, la disposition et les qualités de cet acte. La mère y dispose d'un effet considérable en faveur d'un créancier de la succession de son mari. Elle y prend le titre d'héritière mobilière de trois enfans qui étoient décédés, et de tutrice de Marie Chamois, unique héritière d'Honoré Chamois, son père.
  Nous croyons devoir faire ici plusieurs réflexions, toutes importantes.
  Premièrement, la mère prend dans cet acte une qualité fausse ; elle se dit tutrice d'une majeure. Une mère peut-elle ignorer l'âge de sa fille ? A-t-elle pu oublier qu'elle étoit née en 1656, et qu'en 1685 il y avoit quatre ans qu'elle étoit majeure ?
  Mais, en second lieu, par quel dessein, dans quelle vue une mère peut-elle prendre une qualité aussi fausse que celle de tutrice d'une majeure ?
  On prétend que le créancier l'a exigé pour sa sûreté ; mais est-il concevable qu'un créancier croye trouver sa sûreté dans ce qui seroit la cause indubitable de sa ruine, et que, pour acquérir la propriété des effets qui lui ont été cédés, il ait demandé que le transport lui fût fait par la tutrice d'une majeure ?
  Mais, s'il étoit vrai, comme la mère le prétend, que depuis 1669 jusqu'en 1685, elle n'a eu aucune nouvelle de sa fille, n'a voit-elle pas une qualité certaine, plus conforme à la situation où elle auroit été, et aux véritables intérêts de son créancier ?
  Elle devoit, par une présomption naturelle et légale, croire que sa fille étoit morte après un temps aussi considérable que celui de seize années. Elle pouvoit prendre la qualité d'héritière ; elle pouvoit jouir par provision, des effets de la succession. Ce titre étoit beaucoup plus sûr que celui de tutrice ; et, si elle ne l'a pas pris dans cet acte, si par là elle l'a reconnue vivante, qu'elle avoue aujourd'hui qu'il n'est pas vrai qu'elle n'en ait reçu aucunes nouvelles depuis sa sortie, arrivée en 1669 ; qu'elle déclare de bonne foi qu'elle a été instruite de son état, informée de son existence, puisqu'elle a agi comme sa tutrice ; précaution qui auroit été inutile, si elle avoit pu justifier sa mort, ou par une preuve parfaite, ou par une présomption aussi forte qu'une absence de seize années.
  Il est remarquable qu'il s'agissoit d'un effet à prendre sur la succession de M. le comte de Harcourt, dans la maison duquel l'état de la famille de l'appelante pouvoit être connu.
  Si non-seulement sa famille, mais la république, à laquelle les enfans ne naissent pas moins qu'à leur père, lui demande aujourd'hui compte de cette fille qu'elle a reconnue vivante en 1685, que pourra-t-elle répondre? S'excusera-t-elle sur le long espace de temps qui s'est écoulé depuis que sa fille a cessé de paroître? Mais on lui répondra qu'en l'année 1685, dans un acte qui est uniquement son ouvrage, un an avant la demande que l'intimée a formée contre elle, elle a reconnu publiquement la vie et l'existence de sa fille ; et si elle ne peut alléguer d'autres excuses pour se défendre, ne sommes-nous pas en droit de lui dire : Ou représentez votre fille, ou reconnoissez celle que la fortune vous envoie.
  Voilà, MESSIEURS, quelles sont les preuves, par écrit, que l'intimée rapporte.
  Si l'on réunit ces trois actes, l'extrait baptistaire, la possession prise publiquement par le contrat de mariage, la déclaration non suspecte de la mère, de l'existence de sa fille en 1685, nous croyons qu'il est difficile de résister à tant de preuves, et qu'elles pourroient même suffire pour démontrer la vérité de l'état dans lequel l'intimée demande aujourd'hui à être maintenue.
  Mais, si l'on y joint la preuve testimoniale, nulle difficulté.
  Les témoins qui ont été entendus, sont encore plus forts par le poids de leurs dépositions, que par leur nombre. Nul reproche contre eux, leur qualité non suspecte ; tout conspire à donner à leur témoignage l'autorité la plus capable de faire impression.
  L'un est le directeur de l'hôpital, le confesseur de l'intimée, celui qui lui a donné les premières instructions de sa religion, qui l'a reçue dans l'hôpital, qui l'a vue partir pour le Canada. L'accusera-t-on de prêter son ministère à cet ouvrage d'iniquité et d'imposture ?
  L'autre est le mari de la nourrice de Marie-Claude Chamois, faussement accusé de démence ; il a vu l'intimée dans son bas âge ; il a été averti de sa retraite ; il a regretté sa perte ; il témoigne la joie qu'il a de la revoir aujourd'hui.
  La troisième, est la nommée du Rivault : c'est celle qui a été instruite de tous les malheurs de l'intimée ; c'est elle qui l'a conduite chez le sieur vicaire de Saint-Paul ; c'est par ses soins qu'elle a conservé la vie et l'honneur.
  Le dernier est Pierre Mareuil, beau-frère de l'intimée.
  Les témoignages de parens sont d'un grand poids dans des affaires de cette nature.
  Tous la reconnoissent, tous se souviennent de l'avoir vue dans le temps où elle étoit constamment Marie-Claude Chamois.
  Le second et le troisième expliquent les causes de sa sortie. L'un en accuse les duretés de la mère, l'autre les violences du frère ; le détail qui accompagne leurs dépositions, ne laisse concevoir aucun soupçon contre leur fidélité. Ils indiquent les temps, les lieux, les personnes. Le sieur le Roi, auquel la nommée du Rivault dit qu'elle a amené Marie-Claude Chamois, a donné une déclaration par laquelle il confirme la vérité de tous ces faits.
  Enfin le sieur Millet explique la demeure à l'hôpital, les lettres de la fille et de la mère.
  A l'égard de la lettre qui paroît n'être pas véritable,
  1.o L'intimée ne s'en sert point.
  2.o Il n'est pas impossible qu'une fille qui a toujours demeuré avec sa mère jusqu'à treize ans, qui l'a quittée à cet âge, ne connoisse point son écriture.
  Ainsi, tous les faits s'accordent parfaitement. Ils sont confirmés encore par la déclaration de la dame Bourdon.
  Que peut-on opposer à tant de preuves réunies ? On allègue de prétendues contradictions.
  1.o Dans sa requête elle expose qu'elle sortit à dix, onze ou douze ans. Cependant elle en avoit treize.
  Mais il ne peut y avoir qu'une différence de deux ou trois mois.
  2.o Elle a exposé d'un côté, que c'étoient les duretés de sa mère, et de l'autre que c'étoit l'empressement de son frère, qui l'avoient obligée de sortir de la maison de sa mère.
  Mais l'un et l'autre peuvent être également vrais.
  3.o La nommée du Rivault auroit dû avertir sa sœur ; mais peut-être l'a-t-elle fait inutilement.
  4.o On demande enfin pourquoi on lui a donné, en la faisant entrer à l'hôpital, le nom de Marie-Victoire ? Rien n'est plus facile à expliquer, en supposant les autres faits, etc.
  Nous estimons qu'il y a lieu de mettre l'appellation et ce dont est appel au néant, émendant, évoquant le principal, maintenir et garder Marie-Claude Chamois dans la qualité de fille légitime d'Honoré Chamois et de Jacqueline Girard, enjoindre à l'appelante de la reconnoître pour sa fille.
  Arrêt conforme aux conclusions le 21 avril 1693, prononcé par M. le président de Harlay.

  ENTRE François Frigon, habitant de Bastican, pays de Québec en Canada, sous la domination du Roi, dite nouvelle France, et damoiselle Marie-Claude Chamois, sa femme, à cause d'elle, fille et unique héritière du défunt Honoré Chamois, écuyer, héraut d'armes de France, son père, et encore ladite Chamois, héritière de défunts Marie, Henri et Philippe-Michel Chamois, ses frères et sœur, demandeurs aux fins de l'exploit d'assignation donnée à leur requête au châtelet de Paris, le quinze mars mil six cent quatre-vingt-six, renvoyés aux requêtes du palais par autre exploit du dix-neuf avril ensuivant, et retenus par sentence desdites requêtes du ving-sept dudit mois d'avril audit an ; ladite demande tendante à ce que damoiselle Jacqueline Girard, veuve dudit défunt Chamois, défenderesse ci-après nommée, fût condamnée à leur communiquer l'inventaire qu'elle a fait ou dû faire après le décès dudit défunt sieur Chamois, son mari, pour, après ladite communication, rendre par elle le compte de communauté d'entre elle et sondit défunt mari ; ensemble celui de tutelle qu'elle a gérée, des personnes et biens desdits Marie, Henri et Philippe-Michel Chamois, et de ladite Marie-Claude Chamois ses enfans, payer le reliquat qui en seroit dû, et ensuite être procédé avec eux au partage des biens et effets délaissés par ledit défunt, et en cas de contestation, condamner les contestans aux dépens d'une part ; et ladite damoiselle Jacqueline Girard, veuve dudit défunt sieur Honoré Chamois, tant en son nom à cause de la communauté qui a été entre elle et ledit défunt son mari, que comme tutrice desdits Marie, Henri et Philippe-Michel Chamois, et ladite Marie-Claude Chamois, ses enfans, et dudit défunt Chamois, défenderesse d'autre part ; et entre ladite Jacqueline Girard audit nom, appelante des sentences contre elle rendues aux requêtes du palais, les vingt-un juin mil six cent quatre-vingt-huit, et douze mai mil six cent quatre-vingt-neuf, et défenderesse d'une autre part ; et lesdits François Frigon et damoiselle Marie-Claude Chamois sa femme, aussi esdits [should read èsdits?] noms ; et encore ledit Frigon au nom et comme tuteur de Jean-François, Marie-Madeleine, Marie-Louise, Marie-Françoise, Marie-Jeanne, et Antoine Frigon, ses enfans, et de ladite Marie-Claude Chamois, sa femme, reçue en cette qualité partie intervenante en l'instance qui étoit pendante auxdites requêtes du palais, par la sentence dudit jour, vingt-un juin mil six cent quatre-vingt-huit, intimés et demandeurs en requête du dix-huit avril mil six cent quatre-vingt-treize, à ce qu'il plût à la cour en venant plaider sur ledit appel, évoquer le principal différend d'entre les parties, et y faisant droit, en conséquence des preuves par eux rapportées, déclarer ladite Marie-Claude Chamois, fille dudit défunt Honoré Chamois, et de ladite Jacqueline Girard sa femme, ses père et mère, et unique héritière dudit Chamois, son père ; ce faisant, ordonner que ladite Girard seroit tenue de la traiter filialement, et au surplus leur adjuger les fins et conclusions par eux prises, et condamner ladite Girard en tous les dépens. APRÈS que Thévart pour ladite Girard, Joly de Fleury pour Marie-Claude Chamois, et Beaufils pour Frigon, au nom et comme tuteur, ont été ouïs pendant deux audiences, ensemble d'Aguesseau pour le procureur-général du roi :

  LA COUR, reçoit la partie de Beaufils partie intervenante, ayant aucunement égard à son intervention, a mis et met l'appellation et ce dont a été appelé au néant, émendant, évoquant le principal, et y faisant droit, a maintenu et gardé la partie de Joly de Fleury en possession de sa qualité de fille légitime et unique héritière de défunt Honoré Chamois son père, condamne la partie de Thévart de lui rendre compte de la succession de son père, et des effets de ladite communauté d'entre lui et la partie de Thévart, et à cette fin les renvoie aux requêtes du palais, condamne la partie de Thévart aux dépens.

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Duchesne, Laurier, Moi, Marie-Claude, Fille du Roi, Tome 1 : le serment, Tome 2 : le procès, Tampere: Atramenta, 2015.
Frigon, Gérald, "Retour sur la vie de Marie-Claude Chamois", in Les Frigon. Bulletin des familles Frigon, Frigone, Frego, Fregoe, Fregon, Fregone, vol. 19, no. 2, 2012. (The article and the volume are in pdf.)
Macouin, Jean-Paul, Fournier, Marcel (ed.), Les familles pionnières de la Nouvelle-France dans les archives du Minutier central des notaires de Paris, Montréal: Société de recherche historique Archiv-Histo, 2016. (pdf.) See p.47 for Marie-Claude Chamois.
Chamois (Marie-Claude) - La Mémoire du Québec.
Marie-Claude CHAMOIS et François FRIGON. La vie de la « fille du roy » Marie-Claude Chamois et de son époux François Frigon est l'une des plus etonnantes de l'histoire de la Nouvelle-France. (pdf.)
Marie-Claude CHAMOIS. Fille d'Honoré et Jacqueline GIRARD. (pdf.)
Les Frigon. Texte de Chronique réalisée en collaboration avec la Société de généalogie de l'Outaouais, Inc., parue le 24 novembre 1994.

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